Du capital humain, au patrimoine humain... quels risques l'organisation prend-t-elle à faire cet
Quand nous parlons de capital, nous parlons d'argent, de quelque chose que nous possédons aujourd'hui, qui peut fructifier ou se déprécier rapidement. Rapporté aux ressources humaines, nous entendons la notion de possession et l'idée que ce capital peut décroître ou croître en nombre comme en qualité. Cette vision n'est pas fausse et nous savons que le maintien de la qualité du capital humain tient beaucoup à la capacité de l'organisation à maintenir l'employabilité tant par son mode d'organisation que par son ouverture à l'apprentissage et à l'innovation. Cependant le capital humain ne peut atteindre cette exigence de maintient de l'employabilité. En effet, le capital humain implique retour sur investissement et valeur ajoutée à court terme. Il est par ailleurs, volatile, interchangeable. Il est dépensé, voire gaspillé. Il se base sur des projets individuels qui ne satisfont que le besoin de pouvoir de quelques uns.
Si nous adoptons une vision à long terme qui consiste à considérer que nous construisons pas à pas, que les talents individuels et collectifs montent en qualité progressivement, alors cette notion de capital humain n'est pas adaptée. Nous lui préfèrerons celle de patrimoine humain qui parle d'ancrage, de développement long, de transmission. Le patrimoine humain est un actif immatériel qui comprend valeurs, histoire, savoirs... Le patrimoine humain mène des projets collectifs qui font sens à chacun. Ce patrimoine, nous y sommes attachés car nous en héritons, nous avons donc envie qu'il fructifie, mais aussi qu'il puisse se transmette.
Cet humain là est stable, se justifie par lui-même tout en étant capable de s'additionner pour évoluer, progresser. Nous l'utilisons sans l'user en lui permettant de se renouveler.
Cet humain là, nous le consultons, nous l'écoutons tout en continuant à avancer pour l'adapter aux nouvelles contraintes, aux nouveaux défis, en maintenant ce patrimoine devenu un fondamental qui donne des repères, du sens et qui explique l'action et son évolution.
Bien entendu, nous sommes bien loin de cette vision. L'avons nous atteinte un jour ? Peut-être ou pas. Il est possible aussi que nous l'ayons atteinte et adoptée à l'excès au point qu'elle ait été rejetée, taxée d'immobilisme, et qu'aujourd'hui, entre ces extrêmes, il nous soit difficile d'être dans la modération. La confiance en l'humain serait donc sérieusement entamée.
Nous continuons donc dans les organisations à gérer par les coûts financiers mais seulement ceux qui se voient dans les données comptables ou sur les places boursières. Nous ne gérons pas les coûts sociaux du capital, ces coûts peu visibles immédiatement sauf quand il s'agit de comptabiliser les arrêts maladie.
Nous sommes dans une gouvernance de capital humain notamment parce que les grandes entreprises ont éloigné le centre de décision du terrain et que les PME croient que pour réussir et croître, c'est comme cela qu'il faut faire. Et ce malgré les multiples exemples d'organisations qui montrent que le business n'est pas incompatible avec le gestion patrimoniale de l'humain.
Quels risques croit prendre le dirigeant en gouvernant son entreprise dans une vision patrimoniale de ses ressources humaines ? Il pense sans doute qu'il risque de perdre le pouvoir. Mais quel pouvoir a un dirigeant fasse à la masse de ses salariés qui sont désengagés, prêt à le lâcher, qui ne se sentent plus appartenir à une organisation qu'ils considèrent presque comme une ennemie ? Que peut-il faire ce dirigeant face à la démotivation grandissante de son personnel au plus haut niveau ? De moins en moins de chose, assurément. Et pourtant, s'il considérait ses ressources humaines comme un patrimoine, il récupèrerait un pouvoir considérable car il utiliserait une ressource humaine qui puiserait dans ses racines pour agir et donner du sens à son action. Et demain, il serait capable de transmettre à ses propres enfants ce qu'il a contribué à construire.
Pour durer, des entreprises artisanales, concurrencées par de la production industrielle à bas prix, on décidé de se concentrer sur la qualité pour faire la différence, qualité qui repose sur un savoir faire ancestral, qui se transmet de génération en génération et se bonifie à travers l'innovation. L'organisation, petite ou grande, pourrait en faire autant et ainsi transmettre de génération en génération des valeurs sur lesquelles elle s'est fondée et qui donnent sens à son développement. Elle reconquerrait son patrimoine humain et le bonifierait. Sa stabilité héritée de sa constance réduirait ses coûts. Sa rentabilité, au lieu d'être basée sur de l'éphémère, s'ancrerait dans ce qui est stable et durable. L'organisation passerait de l'image d'un lieu de destruction à celle d'un lieu de construction où là vie ferait sens commun.Rédigé par Sabine Vansaingèle